Entretien #12 – Jabberwocky
Le 12ème entretien d’Amusique est dédié au trio d’électro/électro-pop Poitevin Jabberwocky. C’est en 2013 que Camille, Simon et Emmanuel, trois amis étudiants en médecine, décident de se réunir autour d’un projet musical commun. Très vite, le groupe rencontre le succès sur le web et acquiert une solide notoriété en France, notamment grâce à son morceau Photomaton qui fut par la suite utilisé par la marque automobile Peugeot dans sa publicité pour la 208. Aujourd’hui le trio alterne entre cours à la fac, enregistrement de son premier album et les concerts qu’il distille à travers l’hexagone.
Bonjour à vous trois ! Merci de nous accorder un peu de votre précieux temps. Le principe de nos interviews est simple, on vous pose d’abord quelques questions classiques sur votre travail puis on passera à des questions plus décalées, qui ne sont qu’un prétexte pour vous connaître plus en profondeur. Vous avez le droit à un Joker Amnésie si vous ne souhaitez pas répondre à l’une de nos questions ou que vousne sais pas quoi répondre. En 11 entretiens, le joker a été utilisé deux fois. Allez, c’est parti !
On commence par une question habituelle, pour ceux qui ne vous connaitraient pas, qui sont les Jabberwocky, depuis quand existez-vous, quels sont les rôles de chacun etc…
Jabberwocky :
Et bien, Jabberwocky c’est nous trois. On s’est rencontrés à la fac, on est dans la même promo. Du coup ça fait le bon la brute et le truand. Ça fait deux ans maintenant que le groupe existe. On fait tout à trois, on a des influences musicales communes mais aussi différentes, c’est un mix de tout ça.
On vous demande tout le temps d’où vient votre nom « Jabberwocky », de ce fait, on a décidé de vous poser quand même la question mais vous avez le droit de mentir comme le Pinocchio de la publicité Peugeot, juste histoire de changer un peu.
Jabberwocky :
C’est en hommage à Carlos Montana, l’un des plus grands producteurs Hollywoodiens. Dans l’un de ses films maintenant devenu culte « The Cat », c’est écrit sur le t-shirt du héros dans la scène où il marche sur un pigeon mort.
J’ai adoré ce film ! Surtout la fin quand le pigeon mort se met à voler dans le paquet de céréales. Tellement émouvant… Bon, plus sérieusement, vous avez choisi Jabberwocky en référence au monstre présent dans le poème éponyme de Lewis Caroll. On a pu lire aussi que c’était une sorte de mélange entre vos trois personnalités. Vous pouvez nous en dire un peu plus sur vos caractères respectifs, parce que sincèrement quand on voit la gueule du monstre on flippe un peu pour vous !
Camille :
Lucide, glorieux et mystérieux.
Simon :
Courageux, souple et atmosphérique.
Emmanuel :
Audacieux, ludique, al dente.
Aujourd’hui vous jonglez entre la fac de médecine et votre activité musicale. Le fait d’avoir peut-être, un jour ou l’autre, le choix entre vous consacrer pleinement à Jabberwocky ou exercer le métier de médecin, c’est quelque chose que vous appréhendez ou, au contraire, que vous espérez vraiment ? Ça parait compliqué d’allier les deux si le succès est au rendez-vous pour votre groupe non ?
Jabberwocky :
Oui, c’est un vrai challenge !
Mais si on pouvait le relever, on pourrait en être très fiers et maman aussi. Évidemment ce sont deux mondes différents, il faut arriver à prendre du recul et rester lucides. Pour le moment on pousse Jabberwocky en ayant pour objectif de finir aussi médecine. Et s’il faut faire un choix entre les deux on se posera et on réfléchira. Heureusement notre doyen nous soutient et ça nous aide beaucoup.
Votre avenir, c’est quelque chose dont vous parlez régulièrement entre vous et sur lequel vous êtes d’accord ? Et du côté de vos familles, l’avis général c’est de s’investir à fond dans votre projet ou d’assurer vos arrières avec la médecine ? Ça parait compliqué d’allier les deux si jamais le succès est au rendez-vous pour votre groupe n’est-ce pas ?
Jabberwocky :
Nous, on a tous la même vision du truc. Et nos familles ont toutes la même vision aussi ! Les amis et la famille, ce sont les premiers soutiens ! Évidemment ils voudraient qu’on assure nos arrières, ce sont des parents, mais ils sont très heureux de ce qui nous arrive.
Le titre qui vous a fait connaître c’est « Photomaton », notamment grâce à la publicité Peugeot; et vous avez ensuite sorti « Pola », pour « Polaroïde ». Vous avez un rapport particulier avec l’art de la photographie ou s’agit-il plutôt d’un concept, lié à la notion de souvenir ?
Jabberwocky :
Tu as mis le doigt dessus ! C’est plus par rapport au souvenir en fait. Pour Photomaton c’est en rapport au texte, cette fille en plein spleen qui fait le bilan et qui ne voit pas de retour en arrière possible. Comme si elle revivait tous ces moments sans rien pouvoir y changer.
Pola, c’est plus un morceau qui parle de séduction, quelque chose qui concerne l’instant. Camille fait un peu de photo mais sinon on n’est pas plus branchés photo que quelqu’un d’autre. On a quand même une sensibilité pour les images et ce qu’elles renvoient, ou, au contraire, ce qu’elles dissimulent. Parfois elles parlent plus que des mots et inversement, parfois, peu de mots peuvent imager des choses très fortes.
Pour rester dans le thème de la publicité, on a l’impression qu’auparavant les publicitaires utilisaient davantage de morceaux de groupes ou d’artistes déjà bien encrés pour toucher le public. Ne pensez-vous pas que le monde de la publicité est devenu, ces dernières années, une belle rampe de lancement pour les artistes encore peu connus du grand public ? On pense évidemment à vous avec Photomaton, mais aussi Talisco, ALB, Elephanz, Darius ou encore Thomas Azier dont vous avez déjà parlé plusieurs fois en interviews et dont le titre Red Eyes résonne dans une publicité pour Yves Saint Laurent.
Jabberwocky :
Oui, c’est clairement un coup de pub, une mise en avant pour le grand public qui n’est pas toujours fan ou consommateur de musique, mais qui peut avoir un déclic en regardant le spot et se dire « c’est cool ce morceau ».
On ne peut s’empêcher d’évoquer une ressemblance entre la voix de Clara Cappagli, qui chante sur vos titres Pola et Quantif, et celle de Lana De Rey pour qui vous avez réalisé un remix il y a plusieurs mois. C’était volontaire de votre part d’opter pour une voix similaire à la star Américaine ?
Jabberwocky :
On aime beaucoup la voix de Lana Del Rey, c’est vrai, et c’était un vrai plaisir de pouvoir remixer l’un de ses titres. Donc peut être qu’inconsciemment, dans les choix des voix sur nos morceaux, il y a un peu de Lana Del Rey qui vient se glisser !
Vous n’avez pas dans l’idée un jour de lui demander de poser sa voix sur l’un de vos titres ?
Jabberwocky :
Ce serait avec plaisir !
Depuis vos débuts, la présence d’une voix féminine dans vos morceaux est presque devenue une marque de fabrique. Vous avez déjà fait appel à Na-Kyung Lee, Clara Cappagli ou encore Elodie Wildstars qui ajoutent vraiment ce côté aérien à vos mélodies et qui donnent une vraie « touche Jabberwockyesque ». Même si, si je ne me trompe pas, Emmanuel a posé sa voix sur votre titre « Playground », cette voix féminine est-elle une ligne directrice que vous souhaitez garder pour vos prochaines sorties ?
Jabberwocky :
En fait ce n’est pas Manu qui chante sur « Playground » mais Quentin, un ami dont le groupe s’appelle 7ik (on vous invite à le découvrir). C’est un vrai fil conducteur mais il n’y aura pas que des voix féminines. Le concept du groupe c’est ça, faire appel à des featurings, avoir la liberté de choisir la voix la plus appropriée pour apporter un truc au morceau, pour le sublimer. Mais on se garde aussi la liberté de faire des instrumentaux, même si pour le moment on a pas encore dévoilé cet aspect du groupe.
Pour revenir à la chanteuse Na-Kyung Lee, est-ce que le fait d’avoir été vous-même découverts en postant votre morceau Photomaton sur internet a joué dans votre choix de la contacter, pour qu’elle pose sa voix sur votre single Holding Up ? Une sorte de manière de perpétuer l’histoire en donnant sa chance à une artiste inconnue ?
Jabberwocky :
Oui. Nous, on a débarqué de nulle part, on est nés sur internet. Quand on a entendu la voix de Na-Kyung sur sa reprise de Photomaton on a évidemment accroché mais il y avait ce petit truc en plus puisque c’était en l’écoutant chanter notre morceau. On composait « Holding Up » et on cherchait justement une voix comme la sienne. À aucun moment on ne s’est dit « non elle est pas connue » ou quelque chose dans ce sens. Au contraire, on trouvait ça encore plus intéressant qu’elle ne le soit pas et qu’on puisse faire découvrir son talent à travers notre musique.
Vous avez sorti un clip il y a quelques jours, pour votre morceau Fog réalisé avec Ana Zimmer, vous pouvez nous en parler ? Votre label Pain Surprise est-il une nouvelle fois aux manettes ?
Jabberwocky :
C’est un clip rétro futuriste dont on est vraiment très fiers et qui permet de faire connaître deux talents artistiques que sont Ugo et Kevin, les deux réalisateurs de chez Miyu Porductions. Ils avaient réalisé l’artwork de notre EP Pola. Pain Surprises a joué le rôle de médiateur et nous a mis en contact. C’est complètement dans l’esprit du label et c’est un très beau travail. On en est très fiers. On les en remercie encore une fois.
Nous avons pu assister à votre récent concert sur Toulouse, à l’occasion du Ricard S.A. Live réalisé en compagnie d’Hyphen Hyphen et de FUZETA. Vous pouvez nous dire ce que représentait cette tournée pour vous ? Vous connaissiez les deux autres artistes/groupes avec qui vous vous êtes produits ?
Jabberwocky :
On ne les connaissait pas et on a découvert leur musique qui est très cool ! Cette tournée est très intéressante car c’est un plateau multi-artistes très éclectique ! Le Ricard Tour est une machine bien rodée qui permet de mettre en avant des artistes en développement et leur offre une belle vitrine pour la scène.
Dernière question avant de passer à celles plus décalées. Vous avez collaboré avec pas mal d’étoiles montantes de la scène électro Française, comme The Geek X Vrv, Fakear, Kartell ou encore N’to qui ont remixé certains de vos morceaux. Comment réalisez vous ces choix ? Doit-on s’attendre à découvrir de nouvelles collaborations pour votre premier album ?
Simon :
L’album est uniquement composé de titres originaux sur lesquels on a collaboré avec d’autres artistes pour les voix. On est très contents des artistes qui nous ont remixé sur l’EP. C’est un plaisir qu’ils aient accepté car nous aimons beaucoup la musique de chacun. C’est un moyen d’en dire plus sur l’univers de notre groupe tout en proposant des ouvertures pour nos morceaux. Et nous aussi, nous aimons beaucoup l’exercice des remix, et apporter la patte Jabberwocky sur des morceaux que d’autres ont produit.
Merci d’avoir répondu à ces quelques questions sérieuses, on passe maintenant à celles un peu plus funs. On commence par un classique sur Amnusique, votre album de la honte ! L’album que vous avez acheté à l’adolescence et que vous avez du mal à assumer aujourd’hui. Qui arrivera à détrôner Worakls qui a acheté la bande originale de… Pocahontas ? Et vous ? C’est quoi votre album de la honte ?
Camille :
Yannick – C’est ça qu’on aime. Un de mes premiers albums…
Simon :
Moi j’ai acheté Manau !
Emmanuel :
La Schtroumpfs Party.
La Schtroumpf Party c’est du lourd ! Bravo Manu. On passe maintenant au contraire, l’album avec un grand A que vous avez écouté en boucle quand vous étiez plus jeunes ?
Camille :
Led Zepellin IV et Kanye West-Late Registration.
Simon :
Eminem Marshall Mathers et Crystal Castles I.
Emmanuel :
Beggars banquet des Stones.
Vous êtes sortis de l’anonymat grâce à une publicité, vous pouvez nous en donner une qui vous gonfle particulièrement ? Je ne sais pas si vous avez entendu la dernière pour Flunch… « Y’a qu’ chez Flunch qu’on peut Fluncher »…
Camille :
La pub de la Maaf.
Simon :
Carglass faut changer ça !
Emmanuel :
La pub Panzani, t’as le tube coco !
Vous pensez que la nouvelle couleur de cheveux blonde platine de Kim Kardashian c’était un hommage à celle de Simon ?
Simon :
Clairement ! Quand tu veux être avant-gardiste, tu te fais toujours copier.
Heureusement l’hommage n’est que capillaire.
Camille :
En plus elle est venue faire sa couleur à Poitiers …
Emmanuel :
Les fesses c’était en hommage à Camille par contre !
On va maintenant passer à une série de questions qui allient musique et médecine.
Si on vous donnait un défibrillateur hyper puissant qui avait le pouvoir de réanimer n’importe quel artiste ou musicien décédé, vous choisiriez de l’utiliser pour qui et pourquoi ?
Camille :
Dj Medhi pour tout ce qu’il a apporté à l’électro Française. Et Alain Bashung pour ses textes.
Simon :
Jimi Hendrix, parce que c’est pas cool de mourir dans son vomi et parce qu’il lui restait quelques albums derrière.
Emmanuel :
Joe Cocker.
Question qui fait un peu débat en ce moment. Au contraire, si on vous donne le droit à l’euthanasie musicale sur un artiste pour l’empêcher d’exercer pour de bon vous choisissez qui ? Bon, on reste cool quand même, on ne tue personne.
Camille :
L’année dernière je trouve que Thomas Newson et sa chanson « Flute » ont fait beaucoup de mal à la musique.
Simon :
On ne va pas dire euthanasie, c’est un peu extrême, mais je donnerais un arrêt maladie à Keen V.
Emmanuel :
« Mais t’es où ? T’es pas là ? »
La scène musicale Française actuelle selon vous c’est plutôt (expliquez votre choix) :
– Un ange dans le ciel (Kool Shen) : Tous les vrais artistes Français sont morts.
– Allô ! Maman bobo (Alain Souchon) : Ça va pas fort quand même.
– Docteur Renaud, Misteur Renard (Renaud) : Un excellent côté et l’autre plus catastrophique.
– Malade imaginaire (Saïan Supa Crew) : On a une super scène mais on adore l’autoflagellation.
– La bonne santé (Rika Zaraï) : On est bien, bien, bien !
ou le bonus :
– Fernande (Georges Brassens) : Quand je pense à la scène musicale Française, je bande, je bande.
Camille :
Docteur Renaud, mister Renard ! Encore une fois les goûts et les couleurs…
La variété française c’est souvent triste !
Simon :
La même pour moi.
Emmanuel :
Idem.
Si vous deviez choisir un seul et unique artiste/groupe/album qui serait remboursé par la sécurité sociale pour ses vertus apaisantes, vivifiantes et anti-anxiogènes, ce serait lequel ?
Camille :
L’album de Flume.
Simon :
Je vais juste me prononcer pour l’année passée, je dirais l’album de Jungle.
Emmanuel :
The XX.
Dans le même style, un patient dépressif vient vous voir et vous demande de lui faire une ordonnance musicale. Vous lui prescrivez quoi ?
Camille :
Un Jungle le matin , une Isabelle Pierre le midi (Le temps est bon fortement conseillé) et le clip de Shakira/Rihanna tous les soirs.
Simon :
Un Chet Faker et un Kaytranada le matin, un Amine Edge & Dance le midi et deux Drake le soir.
Emmanuel :
Un Pupkulies & Rabecca – Nouvelle Chance le matin, un Molly Nilsson à midi et un The Young Gentlemen’s Adventure Society le soir et dix la nuit.
On dit souvent que les médecins écrivent comme des cochons, ça ne va pas vous poser problème quand on va vous demander de dédicacer vos albums ou des posters de vous ?
Jabberwocky :
Aucun problème, les signatures sont souvent plus lisibles que l’ordonnance elle-même !
Le temps d’un instant, on va briser le serment d’Hippocrate version musicale, pour que vous puissiez nous raconter une anecdote ou un scoop chacun concernant Jabberwocky, quelque chose dont vous n’avez jamais parlé jusque-là. Pas de déontologie, qui tienne !
Camille :
J’ai rencontré Simon dans un club de lutte clandestin à Poitiers (véridique).
Simon :
Avant, je faisais 1m90.
Emmanuel :
Notre Side Project Psy Trance.
Lors de notre interview avec l’artiste N’to (qui a d’ailleurs réalisé un remix pour vous sur le titre Pola) nous lui avons laissé le soin de conclure et celui-ci nous a lancé le mot « Dysenterie ». En tant qu’étudiants en médecine ça vous évoque quelque chose ?
Jabberwocky :
N’to devrait consulter (rires) !
Merci à tous les trois d’avoir joué le jeu, on vous souhaite longue vie, que cela soit dans le monde médical ou dans celui de la musique. On vous laisse le mot de la fin :
Camille :
Merci les gars ! Amour Ad vitam aeternam.
Simon :
Merci à vous, longue vie à vous aussi !
Emmanuel :
Merci à vous et à la prochaine !
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Pays : France.
Style musical : Electro, Electro-Pop.
Nom(s) : Simon Louis Pasquer, Camille Camara, Emmanuel Bretou.
L’info en plus : Le nom Jabberwocky est une référence au poème de Lewis Carroll.
Site web : ici
Maison de disque : Pain Surprises Records.
Publié par : Guillaume, Catégorie(s) : Artistes, Entretiens
Graphiste et illustrateur dans une agence de communication le jour, administrateur et rédacteur web la nuit, Guillaume est le fondateur du site Amnusique.
Sa plus grande fierté ? Il est Carolomacérien. Sa plus grande honte ? Il a possédé (et écouté) l’album de K-Maro durant son adolescence. L’artiste le plus présent de sa playlist ? Très certainement Parov Stelar.